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Les marathoniens de la tour Eiffel

Une centaine de grimpeurs se sont donné rendez-vous jeudi soir pour gravir les 1 665 marches du célèbre monument en moins de huit minutes.

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Publié le 16 mars 2016 à 17h05, modifié le 17 mars 2016 à 16h36

Temps de Lecture 17 min.

Suzanne Walsham lors de la première édition de la Verticale de la Tour Eiffel en 2015.

Jeudi 17 mars, de drôles d’athlètes se rassembleront au Champ-de-Mars à Paris, au pied de la tour Eiffel. Cent athlètes se sont donné rendez-vous pour la deuxième édition de la Verticale de la tour Eiffel. Le but ? Parcourir en moins de 7 minutes 50 secondes (record en cours) les 1 665 marches du monument symbole de la ville de Paris.

Parmi ces fous des marches, deux champions sont favoris. Piotr Lobodzinski, qui détient le fameux record, et Suzanne Walsham, son alter ego chez les femmes, qui a remporté l’édition de 2015. Cette dernière s’est fait une spécialité de la montée de l’Empire State Building, à New York, 86 étages, 1 576 marches. Elle a même remporté la course six fois, dont les trois éditions précédentes. Elle fait cavalière seule dans la discipline depuis 2012, survolant chaque année le Circuit vertical mondial, championnat basé sur les résultats de huit courses à travers le monde.

Pas une course de marathoniens

Ces courses verticales sont particulières à bien des égards. Le départ est fondamental, il faut, par exemple, passer la porte de la cage d’escalier la première, sous peine d’être coincée par l’encadrement ou la carrure de ses concurrentes. Et surtout ménager ses efforts. Pour l’Empire State, Walsham grimpe les marches deux par deux, une technique de base pour les habitués du tower running, qui consiste en une course jusqu’au sommet d’un gratte-ciel. Les meilleures athlètes féminines montent l’emblématique immeuble new-yorkais en à peine moins de 12 minutes. Cent trente et une marches à la minute. Soit deux à la seconde.

Suzanne Walsham le reconnaît facilement : « Il faut déconnecter. Si tu laisses des pensées négatives s’emparer de toi, ce n’est pas bon. » Un départ trop rapide aurait pu entraîner l’effondrement de la compétitrice. « C’est un type de course qui pousse ton niveau d’acide lactique au maximum. Tu ne peux pas aller plus vite. Et tu ne peux pas récupérer », explique la brune aux yeux bleus d’une quarantaine d’années. Les tower runners aiment ainsi se moquer des marathoniens arrivés confiants qui s’écroulent avant la fin. L’effort, plus court, ne se prête pas à ce genre de coureurs. Les habitués de courses en montagne sont souvent plus performants.

La Française Alexandra Renaud lors de l'édition 2015 de la Verticale de la tour Eiffel.

Pour se préparer à la Verticale de la tour Eiffel, Piotr Lobodzinski a un secret simple : l’entraînement. Le Polonais de 30 ans domine les cimes du circuit masculin depuis 2013. « On peut dire que je suis professionnel », lance-t-il. L’athlète travaille à mi-temps dans un musée de Varsovie, où il vit. Le reste du temps, il s’entraîne à la course entre quinze à vingt heures par semaine, dont deux heures consacrées au tower running.

Entraînement intensif

« C’est un entraînement plus court, plus intense aussi, que pour les autres disciplines. » Un entraînement qu’il accomplit dans quelques immeubles de la ville où il est le seul tower runner à avoir ses entrées. Et comme rien n’est laissé au hasard, il choisit son terrain d’entraînement en fonction des courses à venir. « Je regarde si l’immeuble dans lequel je vais concourir se monte dans le sens des aiguilles d’une montre ou pas, si les paliers sont réguliers… »

Suzanne Walsham fait de même à Singapour. En commençant par l’immeuble de trente étages dans lequel elle vit. Et même si, comme Piotr, plus personne ne s’étonne de la croiser avalant les marches d’un gratte-ciel deux par deux sans raison apparente, les premières fois étaient plus surprenantes. « Au début, ils me croisaient dans l’ascenseur. Je redescendais toute rouge, en sueur et le souffle court. Ils disaient : “Mais, tu n’es même pas encore sortie !” » Joviale, celle qui se considère comme une « semi-pro » rigole encore de la situation provoquée à l’époque.

Piotr Lobodzinski lors de la première édition de la Verticale de la Tour Eiffel en 2015.

Les parcours des deux champions se ressemblent. Suzanne Walsham a couru à plat à haut niveau, passant à quelques secondes de la qualification pour les Jeux olympiques de 2008 sur 1 800 mètres. Piotr Lobodzinski diversifie les courses et court aussi bien à plat qu’en montagne ou en escalier. Le tower running semble encore trop confidentiel pour séduire à temps plein ces athlètes de haut niveau.

« J’écris l’histoire de notre discipline pour être un mentor pour d’autres », explique Lobodzinski sans détour, quitte à avoir l’air prétentieux. Le tower running en est à ses premières marches et les champions ne sont qu’une poignée de passionnés. Seuls les meilleurs en tirent un revenu. « Juste de l’argent de poche », précise Suzanne, de quoi couvrir les frais et mettre un peu de côté.

Cent vingt mille adeptes

C’est pourtant « l’un des sports qui grandissent le plus vite et une nouvelle tendance dans le milieu de la course », à en croire Dano Cecetka, président de l’Association mondiale de tower running (Towerrunning World Association, TWA), l’équivalent d’une fédération internationale. En cinq ans, il revendique déjà cent vingt mille adeptes parcourant les escaliers des deux cent cinquantes courses à travers quarante-cinq pays.

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Une progression remarquable depuis quelques années pour un sport qui a aligné ses premières foulées il y a trente-neuf ans, lors de l’Empire State Building Run Up, la plus ancienne course de ce type. L’événement n’est plus un folklore isolé, et la TWA est là pour structurer cette ascension. Pas de velléités olympiques pour le moment, « étant donné la diversité des immeubles, il serait trop compliqué de mettre en place les standards nécessaires à l’accession au titre de sport olympique », explique Dano Cecetka, mais l’envie de voir plus loin.

Un classement mondial qui s’appuie sur les résultats dans les différentes courses a été mis en place en 2009, aujourd’hui appelé Towerrunning Tour, l’équivalent d’un championnat du monde, que trustent Piotr Lobodzinski et Suzanne Walsham depuis quelques années. Les athlètes sont désormais enregistrés, et la discipline souhaite joindre le Sport Accord, fédération internationale de tous types de sports, et les World Urban Games.

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